Une obligation de dernière minute s’était ajoutée à l’agenda d’Anthony Duclair lorsqu’il est sorti de son sommeil mardi matin.
Sur son téléphone, un message d’un adjoint d’Alain Vigneault l’avertissait que l’entraîneur des Rangers de New York désirait le rencontrer. La requête était particulière considérant que toute l’équipe avait obtenu congé ce jour-là.
Mais Duclair avait deviné les intentions de son patron bien avant de se rendre au rendez-vous.
« Je le savais. J’avais un feeling », admet-il deux jours plus tard, fraîchement arrivé à la destination pour laquelle Vigneault lui a demandé de faire ses valises.
Jeudi soir, pendant que ses nouveaux coéquipiers s’agglutinaient vers la douche, Duclair est apparu frais comme une rose, vêtu d’un short jaune pétant parfaitement agencé avec des espadrilles flambant neuves. Le vol qui devait l’amener de Montréal à Toronto est arrivé avec six heures de retard, l’empêchant de prendre part au premier entraînement du camp de sélection final d’Équipe Canada junior.
C’est ici que Duclair, après avoir surpris un peu tout le monde en amorçant sa saison avec 18 matchs dans la Ligue nationale, poursuivra son apprentissage pour au moins les trois prochaines semaines. Après l’avoir rayé de sa formation dans six des douze matchs des Rangers au cours du dernier mois, Vigneault a décidé qu’il serait mieux pour son jeune protégé qu’il aille rejoindre la crème des joueurs de son âge.
Duclair est donc devenu le premier joueur d’âge junior de la LNH, parmi les quatre que l’état-major de la sélection canadienne espérait toujours pouvoir compter à son bord, à répondre à l’appel de la patrie.
Parti de la Grosse Pomme sans date de retour assurée, l’attaquant québécois n’affichait aucun signe de déception lorsqu’il est venu à la rencontre d’une poignée de journalistes francophones aux abords de la patinoire sur laquelle les jeunes prétendants à l’équipe nationale venaient de patiner pendant 90 minutes.
« Je suis très heureux. Quelques jours après le dévoilement de la liste des joueurs invités au camp, Alain m’avait rencontré pour me demander mes impressions sur ce tournoi. Je lui avais alors dit que je voulais en faire partie. Je pense que c’était vraiment important pour moi de venir ici. Je n’avais pas vécu l’expérience l’année passée et à 19 ans, c’était ma dernière chance. »
Duclair avait effectivement été écarté des plans d’ÉCJ la saison dernière malgré le fait qu’il avait déjà obtenu 27 de ses 50 buts à la mi-décembre. « Ça a toujours été un rêve pour moi de jouer au Championnat du monde junior. Avec le tournoi qui se déroule cette année à Montréal, ma ville natale, c’est vraiment spécial. »
Après Sam Reinhart et Darnell Nurse, des choix de première ronde des Sabres de Buffalo et des Oilers d’Edmonton, Duclair devient le troisième joueur possédant un léger bagage dans la Ligue nationale à la disposition de l’entraîneur canadien Benoît Groulx. S’il admet que ce statut vient avec des attentes accrues, il refuse de se présenter comme un sauveur.
« Ça fait cinq ans que le Canada n’a pas gagné la médaille d’or et c’est ce qui est attendu de cette équipe à chaque année. Il n’y a pas juste de la pression sur moi, il y en a sur tout le monde », croit celui qui a inscrit sept points, dont un but durant son séjour chez les pros.
Un retour à Québec?Il préfère ne pas y penser, mais une interrogation plane au-dessus d’Anthony Duclair. Où se retrouvera-t-il une fois son expérience internationale complétée?
Les Rangers, qui peinent à afficher une fiche supérieure à ,500, auront-ils toujours une place pour leur recrue lorsque s’amorcera le dernier sprint pour une place en séries? À Québec, l’équipe hôtesse du prochain tournoi de la coupe Memorial accueillerait à bras ouverts son meilleur pointeur de la saison dernière, un joueur qui a inscrit 101 buts en trois saisons dans la Vieille capitale.
« Moi, je ne pose pas de questions! Je joue au hockey et c’est tout », lance-t-il en riant quand le dilemme lui est présenté.
« Je ne vois pas de situation perdante. Je me suis surpris moi-même en me taillant une place avec les Rangers. L’été dernier, mes plans étaient plutôt de participer à ces tournois. C’est une grosse année à Québec et si j’y retourne, je serai extrêmement content. Mais en même temps, ce sera la même chose si on me veut avec les Rangers. On verra ce qui arrivera, ce n’est pas ma décision. »
Même de loin, alors que sa carrière a emprunté la voie rapide, Duclair garde un œil sur son ancien club. Ses Remparts talonnent l’Océanic de Rimouski vers le sommet du classement général de la LHJMQ. On n’aura pas besoin de le lui rappeler s’il devait éventuellement avoir son mot à dire dans le résultat des courses.
« Quand j’ai le temps, dans mes journées de congé, je regarde les matchs en ligne. Presqu’à chaque jour, je surveille ce qui se passe pour voir s’ils n’ont pas fait un échange. Je suis tout ça de vraiment près… »
Une médaille d’or et une coupe Memorial. On aurait déjà vu pire comme plan B...
