Anthony Duclair marque contre Denis Godla lors du premier duel contre la SlovaquieErnest Bokros a une théorie intéressante pour justifier la contre-performance de son équipe la dernière fois que le Canada s’est retrouvé sur son chemin.
L’entraîneur slovaque raconte que sa troupe était supposée affronter les Canadiens en match préparatoire en marge du Championnat mondial de hockey junior, mais que le plan avait été modifié à la dernière minute. Finalement, ce sont la Suisse et la République tchèque qui lui avaient servi de cobayes.
À la blague, Bokros se demande si ses joueurs avaient bien été mis au courant du changement d’horaire. Et s’ils avaient pris le Canada à la légère? Et si elle était là, l’explication derrière la cuite de 8-0 encaissée en tout début de tournoi?
« La prochaine fois, ça comptera vraiment pour nous! », prévient, pince-sans-rire, l’homme au regard froid, mais à la bouille sympathique.
Les cyniques diront que la Slovaquie pourrait difficilement faire pire que lors du premier face-à-face lorsqu’elle sera de nouveau confrontée à la superpuissance canadienne dimanche soir en demi-finale du Mondial junior. La rencontre débutera à 20 h sur les ondes de RDS.
Bokros admet qu’il est lui-même curieux de voir la réaction de ses joueurs lors du match revanche. À son avis, l’inexpérience de sa formation explique en grande partie le virulent échec subi le 26 décembre au Centre Bell.
« Pendant le reste de l’année, nous n’avons pas l’opportunité de jouer contre les équipes du top-3 : la Russie, la Suède ou le Canada. L’atmosphère qui régnait ce soir-là et tout ce qui se passait autour de nous, c’était nouveau pour la majorité de nos joueurs. Je crois que c’est pourquoi nous avons si mal joué », racontait le sélectionneur, avec l’aide d’un traducteur, devant une poignée de reporters après avoir dirigé un long entraînement samedi après-midi.
L’hypothèse de Bokros reçoit l’aval de son capitaine. Martin Reway, qui représente son pays chez les moins de 20 ans pour la troisième et dernière fois de sa jeune carrière, sait très bien que son équipe avait perdu avant même de sauter sur la patinoire lors du match d’ouverture contre l’équipe hôtesse.
« Personne n’avait joué contre des joueurs de cette trempe avant, il y avait 20 000 personnes dans l’aréna… Même si les gars disaient qu’ils n’étaient pas nerveux, j’ai déjà été à leur place et je sais qu’ils l’étaient. Ça a été difficile pour nous tous, mais je crois qu’on est une équipe différente aujourd’hui », affirmait le choix de quatrième ronde du Canadien.
Moins de 24 heures après sa gênante prestation contre le Canada, la Slovaquie s’est frottée à la Finlande. Les champions en titre avaient offert une forte opposition aux États-Unis la veille. Pour eux aussi, la Slovaquie était vue comme une proie facile. Mais cette fois, les négligés avaient perdu leurs complexes. Ils ont gagné le match 2-1.
« Cette victoire a été notre plus importante, avance Reway sans hésitation. Elle nous a permis de croire qu’on pouvait remporter ce genre de match. Après avoir vécu ça, on n’a jamais douté de nos capacités. »
La surprise causée contre la Finlande a été suivie d’une défaite par jeu blanc contre les Américains et d’une convaincante victoire contre l’Allemagne. Avec une fiche de 2-2, la Slovaquie s’est classée au troisième rang du groupe A et s’est payée un affrontement contre ses voisins tchèques en quarts-de-finale. Une victoire de 3-0 a pavé la voie à sa deuxième chance de faire bonne impression contre le Canada.
« C’est une équipe qui s’est vraiment améliorée durant le tournoi, note l’homologue canadien de Bokros, Benoît Groulx. C’est une équipe très structurée, que ce soit au niveau de son échec-avant ou de son jeu en zone défensive, et elle a des joueurs qui peuvent faire la différence. »
« J’ai remarqué que la plupart de nos joueurs maîtrisent maintenant leurs émotions et sont capables de se concentrer sur les matchs. Nous avons bien répondu à cette épreuve et les joueurs ont montré une amélioration à chacun de nos matchs depuis », observe Bokros.
« La meilleure équipe du tournoi »L’ampleur du défi demeure titanesque. Considérée comme favorite pour remporter sa première médaille d’or en six ans, l’équipe canadienne semble dans une classe à part depuis le début du tournoi. En cinq matchs, elle a marqué 29 buts et n’en a accordé que quatre, deux marques à battre parmi les équipes inscrites.
Historiquement, les confrontations entre les deux pays sont inégales. Au Mondial junior, le Canada a remporté neuf de ses dix duels contre la Slovaquie par un pointage combiné de 50-14. Seul un match nul de 0-0 survenu lors du tournoi de 1999 fait obstacle à sa fiche parfaite. Cette année-là, au Manitoba, Jan Lasak avait réalisé 31 arrêts pour tenir tête à Roberto Luongo.
Une performance miraculeuse de leur gardien. Seize ans plus tard, voilà ce qui semble encore une fois être la seule chance de salut des Slovaques. C’est donc sur les épaules de Denis Godla, un frêle jeune homme de 19 ans qui paierait probablement cher pour être aussi peu occupé que son prédécesseur Lasak l’avait été, que repose l’espoir que ce vœu pieux se réalise.
Godla a été sans reproche depuis sa difficile sortie contre le Canada, de laquelle il avait été chassé après avoir pris cinq buts. Il a fait 37 arrêts contre la Finlande et 42 arrêts contre les États-Unis. Il n’a laissé aucun des 34 lancers tchèques le déjouer en quarts-de-finale. Son pourcentage d’arrêts de ,933 le place au quatrième rang parmi ses confrères depuis le début de la compétition.
« Il est non seulement notre meilleur joueur, mais je ne vois pas pourquoi il ne serait pas considéré comme le meilleur gardien du tournoi, encense Reway. Il n’aurait pu choisir un meilleur moment pour être aussi performant. Il devra être parfait, et il le sait, mais on devra aussi s’assurer de l’aider davantage que la dernière fois. »
Samedi, Benoît Groulx a confirmé que Zachary Fucale serait de retour devant le filet canadien pour la demi-finale. Lors du premier match entre les deux équipes, le gardien québécois n'avait fait face qu'à douze lancers.
L’an dernier, en Suède, la Slovaquie avait foutu la trouille au Canada en le forçant à effectuer une remontée spectaculaire pour sauver sa peau en ronde préliminaire. Mais Bokros ne voit rien d’encourageant dans ce souvenir.
« Cette nouvelle version canadienne est bien plus forte que celle de l’année passée. Ça se voit jusque dans son personnel d’entraîneurs. C’est une équipe beaucoup mieux préparée », a constaté le patron des négligés.
« Les Finlandais ou les Tchèques, ils ont quelques bons joueurs, mais le Canada peut marquer des buts avec tous ses trios, s’inquiète Reway. Il faudra offrir notre meilleure performance du tournoi. Je nous crois capable de le faire et on va donner tout ce qu’on a, mais on sait qu’on affronte la meilleure équipe du tournoi. »
« Ça va être difficile, concède Bokros, mais nos joueurs doivent y croire. Mon souhait, c’est qu’on joue sans leur accorder trop de respect. Il faut éviter d’être intimidés ou effrayés et simplement se battre en équipe. Il faut aller jouer au hockey, tout simplement. »